just tell me // akabane hibiki

S'il existait une journée parfaite, ce serait celle-ci. Une journée sans prise de tête, positive et agréable, aux côtés de l'être aimé. Le musicien s'est senti bien pour la première fois depuis des semaines. C'était comme s'il pouvait reprendre son souffle et arrêter de retenir sa respiration pour ne pas déranger son entourage. D'ailleurs, il a compris que ce n'était pas la bonne chose, que cela ne lui amènerait rien de bon. à quoi bon vivre loin des gens en se disant que c'est mieux ainsi, quand on souffre soi-même de cet écart? Slaw s'est longtemps interrogé sur ses décisions, sur ce qu'il voulait réellement mais surtout sur lui-même. Même s'il est toxique pour ses amis, ne mérite-t-il pas d'être proche d'eux? Doit-il se sacrifier dans l'espoir qu'ils vivent mieux sans lui? C'est idiot. Il a bien vu dans le comportement d'Hibiki que ce n'était pas une réjouissance, ni une libération. Sa journée avec Kami, aussi parfaite soit-elle, a fait remonter des remords à la surface quand le jeune garçon s'est retrouvé seul dans le hall de son hôtel. Il voulait récupérer des affaires pour la nuit, pour rester avec son amant jusqu'au lendemain mais revenir ici en sachant que Mal et Hibiki sont là... Impossible de mettre des mots sur cette sensation de tout gâcher encore une fois, de manière différente.

C'est en grimpant les marches vers son étage qu'il a décidé de sauter le pas, d'aller au-devant de ses problèmes et de le résoudre directement. Fuir n'est pas une solution, ça n'a jamais été le cas. Pourtant il ne fait que ça depuis le début. Malgré l'heure tardive, le blondinet s'est dirigé vers la porte de son frère et son copain, tout en envoyant un message à Kami pour le prévenir de patienter un instant. Il devait régler un truc avant de repartir avec lui. C'est ainsi qu'il s'est pointé devant la chambre de l'ébéniste, tapant doucement sur le battant pour annoncer sa présence. à cette heure-ci, il espérait que son ami soit encore debout et veuille bien lui parler. Il attendit un court instant avant que la porte s'ouvre et que le visage de son aîné apparaisse devant lui.

« Hibiki ... J'aimerais te parler. Si tu veux bien m'accorder un peu de ton temps. Demande-t-il poliment. »

Ses yeux bifurquent légèrement dans la pièce derrière le plus vieux, à la recherche de son frère. à tous les coups, il doit déjà être au lit. Dans un sens, il espère que Mal soit au pays des rêves pour lui emprunter son petit ami l'espace d'une poignée de minutes. Une grosse poignée, selon comment évolue la conversation.

Il patiente, attendant que l'ébéniste aille prévenir son petit ami pour ensuite discuter avec lui. Mal sera au courant de leur discussion au moins, ils pourront en parler demain s'il cherche à savoir ce qui a été dit entre eux. En attendant, il réquisitionne Hibiki pour essayer de trouver un terrain d'entente. Se dirigeant vers la chambre du musicien, il l'ouvre et laisse le plus vieux entrer en premier. Qu'il soit fatigué n'est pas un souci, il garde assez d'énergie pour mettre les choses au clair avec lui et sauver quelques meubles au moins.

« C'est évident. Affirme le blond en acquiesçant d'un coup de menton. »

Installé l'un face à l'autre, Slaw l'observe tranquillement en laissant le silence retomber entre eux. Il cherche ses mots mais surtout quoi dire en premier lieu. Ils ont déjà discuté l'autre fois, pas de la meilleure des façons mais les langues ont été déliées à ce moment-là pour rendre les choses compliquées. Trop compliqué pour le plus jeune qui ne gère pas.

« Je ne te demande pas de m'ouvrir les bras, ni de me pardonner... Pas si rapidement, mais de me laisser une chance. Commence-t-il, se grattant la nuque par gêne. J'ai été odieux et détestable la fois dernière et je t'ai blessé, j'en ai conscience mais... Mais il y a tellement de choses qui me troublent. »

Un soupir. Ses doigts glissent dans ses mèches, penchant sa tête de côté avec une mine contrariée. Il a fait du mal à son ami, consciemment et il regrette tellement. Il ne comprend plus. Il ne se comprend plus lui-même.

« Je ne sais plus comment me comporter avec toi... Ni avec les autres. Quoi que je fasse, je te blesse. Toi, Mal, Kami, tout le monde. Je commence à croire que je suis vraiment toxique pour mon entourage. Il se pince les lèvres, les sourcils froncés. Je ne sais même plus pourquoi j'en suis là... Comment les choses ont-elles pu dégénérer à ce point-là? Comment ai-je pu ... Comment ai-je pu laisser les choses éclater à ce point-là? »

ça le brûle de l'intérieur, de n'avoir aucune réponse, de ne pas comprendre, de ne pas savoir où remonte vraiment le problème. Il relève ses yeux vers ceux de l'ébéniste, cherchant une réponse dans ses iris comme il pourrait le faire dans un livre sur le savoir universel.

La porte est close. Slaw l'observe rester close malgré sa tentative, quoiqu'il soit venu à lui. Hibiki n'a aucune réponse à lui fournir, aucune aide à lui offrir. A-t-il seulement une chance de pouvoir se racheter ou doit-il faire une croix définitive sur leur amitié? Il est trop tôt pour le dire et le musicien ne veut pas abandonner une nouvelle fois en disant que c'est inévitable. Le blond encaisse, ne sachant pas comment faire pour s'en sortir et sa solitude le ronge de plus en plus. C'est à lui de trouver des réponses sans la voix de son vieil ami. Inspirant lentement, il déglutit en contrôlant son pouls. S'il panique, s'il cède à ses émotions, le circuit sera le même que la dernière fois et il se refuse à le blesser encore une fois.

« Je comprends. Dit-il simplement et calmement. »

Le garçon baisse ses yeux vers ses mains qu'il triture après les avoir jointes ensemble sur ses genoux. Hibiki ne l'aidera pas. Il n'ouvrira pas une nouvelle fois la porte de lui-même. Donc c'est au plus jeune de le faire, de trouver l'accès, de se battre avec la volonté de vaincre ses propres démons.

« Avant tout, je voulais que tu saches que je suis désolé. J'ai été trop loin dans mes paroles la fois dernière et même si je n'en pensais pas la moitié, certaines choses étaient retenues depuis trop longtemps. Pour le cas d'Haru surtout, pour les reproches sur ses silences et son éloignement volontaire. J'espère que tu ne m'en voudras pas éternellement d'avoir osé te dire ces choses-là. Même sous le coup de la colère. »

Encore une fois, il se mordille la lèvre et défait les liens entre ses doigts étroitement liés.

« Tu as raison. C'est à moi de changer, de trouver mes propres réponses et d'arranger les choses. Pour le moment, il devrait le faire seul. Je ne sais pas si un jour tu pourras me croire ou m'accorder à nouveau ta confiance, mais je ferais en sorte d'être une meilleure version de moi-même. De ne plus avoir aucun secret, de ne plus me cacher, ni vous rejeter. Il s'arrête, reprenant son tic énervant avec sa lèvre. Les mots ne valent rien, même si je voulais parler avec toi. Dans ce cas, j'agirais. Je ne sais pas encore comment si tu ne m'écoutes pas mais... Je trouverais. »

C'est toujours aux extrêmes avec lui. Il ne sait pas faire les choses simplement, faut toujours qu'il les complique ou ne tienne pas parole. Une véritable girouette qui change de direction en fonction du vent soufflant. Il peut comprend qu'Hibiki soit médisant sur son compte, qu'il ne lui accorde plus totalement sa confiance mais le simple fait de savoir qu'ils pourraient se reparler normalement le soulagerait d'un poids.

« Tu sais quasiment tout sur moi, désormais, je n'ai plus grand-chose à cacher. Plus besoin de secret ou de silence. »

Et même s'il devait y avoir du nouveau dans sa vie, ce ne serait plus un mystère pour son entourage. Des choses ont été dites, aucun ne s'excusera pour cela mais au moins c'est fait. Hibiki sait pour les reproches du musicien et à l'inverse, il a appris ce qu'il devait savoir. Le geste de l'ébéniste surprend le plus jeune qui relève ses pupilles pour croiser son regard. Ce tic exprime tellement de choses chez le virtuose, des tonnes de sentiments différents.

« Non, aucune promesse. Il ne veut pas l'encombre avec ça. Mes problèmes ne sont plus vraiment des problèmes. Ils possèdent des solutions. Pour la musique, pour ses études, pour Kami. »

Il n'a plus peur d'avancer, il sait où il doit aller grâce aux conversations avec son amant. C'est justement en parlant à coeur ouvert qu'il parvient à se décider, à choisir quelle route prendre et arpenter. Slaw ne fait aucune promesse, il lui réclame uniquement une chance de se rattraper et de faire ses preuves à l'avenir. La base? Quelle base? Le blond penche sa tête de côté, cherchant le sens de ses paroles.

« Je suis idiot, que veux-tu. Fit-il sur un ton plus léger et taquin. On ne mesure la valeur des choses qu'une fois qu'elles sont perdues... N'est-ce pas? Il parle de cette amitié qu'il a ruinée et qu'il tente de retrouver. Je voudrais vraiment profiter de ce voyage ensemble, avec Mal et toi. Tous les trois, sans se faire la gueule ou s'ignorer. Je sais que tu n'es pas du genre à faire comme si je n'étais pas là mais... Je n'arrive pas à me comporter normalement avec tant de culpabilité. Alors, même si tu ne me pardonnes pas de suite d'avoir été un connard et une girouette, le simple fait de savoir que tu pourrais m'accorder une seconde chance m'apaise. »

C'est tout ce dont il a besoin, savoir qu'Hibiki ne le considère pas comme un étranger ou le frère de son copain à ne pas mettre aux oubliettes pour faire plaisir au plus vieux des Saito.

Slaw reconnaît ses torts et ses erreurs, ainsi que les blessures infligés à son aîné. Il a été conscient que son comportement n'était pas le bon mais sincèrement, il ne savait plus comment faire avec lui. Les mots de Jun résonnent encore dans sa tête et il n'est pas sûr de bien les saisir, ni quoi savoir en faire. Le musicien sait qu'il a trop souvent merdé avec l'ébéniste et qu'aujourd'hui les choses ne sont plus comme avant, mais si Hibiki ne lui donne pas une nouvelle chance de se rattraper alors il se l'accordera lui-même pour se battre.

Aucun mot ne sort de sa bouche, il observe son ami d'un regard décidé mais n'apporte aucune voix qui pourrait sonner comme une énième promesse. Seul le temps dira si, oui ou non, le plus jeune a fait les bons efforts. Il aura beau dire aujourd'hui ce qu'il compte faire demain, cela ne sera que du vent pour son aîné. Slaw se perd facilement, il ne sait pas toujours où il se rend mais il tente à chaque fois d'entrevoir un bout d'avenir. Bon ou mauvais. Seul ou accompagné. Ce n'est pas toujours évident de vivre dans l'incertitude et le doute, ça ne lui plaît pas non plus. Il a un rêve, il veut s'y tenir au mieux.

« Tu n'as plus beaucoup d'estime de moi, je suppose que c'est normal après toutes ces fois. Il soupire, accablé par cette vérité. Parler n'est pas une si mauvaise chose, je ne l'avais pas réalisé plus tôt. »

C'est tout ce qu'il peut répondre aux doutes de son ami. Parler avec son amant a débloqué un petit truc chez lui, à voir si ça dure dans le temps ou si cela va s'estomper comme les fois précédentes.

« Je ne t'interdis pas d'avoir des soupçons, ni de douter de moi ou de ne pas me croire du tout. Je ne t'empêche pas non plus de me garder loin de toi si tu as peur que je recommence à me comporter comme un enfoiré. Il inspire, gardant ses yeux sur le visage de son interlocuteur. Je ne t'oblige à rien, Hibiki. Tu as le droit d'être médisant ou de ne pas me faire confiance. Tu peux même penser que je ne changerais jamais. C'est toi qui décides ce qui pourrait être possible ou pas pour nous, je l'accepterais. Aussi difficile soit ce choix. »

Cette étreinte, aussi réconfortante soit-elle, trouble le plus jeune qui retint son souffle le temps d'un instant. Il ne sait pas quoi faire, gardant ses bras en suspens. Quand finalement il se décide à lui rendre avec douceur et tendresse. Cela lui manquait énormément, bien qu'il ait tue ce besoin de l'avoir près de lui dans l'intention de le protéger. Contre lui-même. Pour ne pas subir de nouvelles cicatrices. C'est idiot. Comme le dit Hibiki, c'est un abruti et il le consent. Lâchant un léger rire, il tombe le dos du plus vieux en élevant légèrement la voix pour se faire entendre.

« Je sais. »

Il n'a pas besoin qu'on lui dise pour le savoir. Depuis le départ il agit et réagit comme un imbécile. Il ne prend jamais les bonnes décisions et ensuite il le regrette, sauf qu'il ignore qu'elles sont les bonnes ou les mauvaises choses à faire pour préserver son entourage. Comment doit-il faire pour ne blesser personne dans son sillage? Pire qu'une tornade dévastatrice. Qu'importe ce qui se passe à l'avenir, il espère pour lui-même qu'il se comporte différemment et sache mieux gérer ses actions. Plus jamais il ne veut subir un tel conflit, ni une dispute de ce genre-là. Hibiki est précieux pour lui, quoi qu'en pense l'ébéniste.

Face à son aîné, il le regarde en l'écoutant. Son visage bouge de haut en bas, acquiesçant en silence. écouter, ne pas être buté. Il peut essayer, tenter de s'améliorer mais il ne peut pas promettre d'être différent du jour au lendemain. à sa pichenette, le blond fit une grimace en lâchant un son proche d'un couinement. Est-ce terminé? Vont-ils de nouveau se parler? Slaw est prêt à faire tous les sacrifices du monde pour être à la hauteur de leurs attentes, même les plus folles. Des sacrifices, mais surtout des gros efforts.

« J'étais vraiment surpris de le voir ici... Mal a bien réussi son coup. Quel cachottier, il l'a bien berné. Il m'a posé des questions sur mes vacances, sur les jours passés depuis son départ et aussi sur nous deux. Mal lui a parlé de tout ça. Voilà qu'il se remord la lèvre, embêté de déranger tout le monde avec ces histoires. Je l'ai prévenu d'attendre le temps de parler avec toi. J'avais peur qu'il soit trop tard si je ne le faisais pas ce soir. Car il n'est pas si fort, ni très courageux en réalité. »

Si Hibiki veut continuer cette discussion, Slaw lui accordera volontiers. Il pourra toujours remercier son amant de l'avoir attendu, même un peu plus longtemps que prévu. Le blond se souvient subitement qu'il avait un cadeau pour son ami, le sortant de la poche de son pantalon.

« Je pense que c'est le bon moment pour t'offrir ceci. Dit-il en tendant la petite boîte bleue nuit au plus vieux.

Ce n'est pas grand-chose, une figurine en bois sculptée, en forme de chien. Il a essayé au mieux de décrire Koda, se disant qu'ainsi son ami penserait à son chien même en étant loin de lui.