what are you doing here? // akabane hibiki

Fermant la porte de son casier, un sachet hermétique à la main et son téléphone dans l'autre, Hotaru fait défiler les dernières photos postées sur instagram sans vraiment faire attention à celle-ci. Quand l'une d'elles attire son regard, il lâche un coeur et continue de glisser son pouce sur l'écran jusqu'à ranger l'appareil dans sa poche. S'attaquant au sachet dans sa main, il porte la brioche à ses lèvres pour croquer un morceau et le savourer tout en marchant dans les couloirs de l'école. C'est le genre d'endroit où les messes basses s'immiscent avec perfidité dans les oreilles des étudiants et où les rumeurs circulent aisément entre les corps qui se croisent et se bousculent. Quelques voix parviennent à son oreille, alors qu'il picore sa viennoiserie d'un air distrait. Un nom revient assez régulièrement dans la bouche de ces personnes, captivant l'attention du bleuté qui ralentit le pas en passant à côté de ces personnes adossées contre le mur. Hibiki. C'est le prénom qui s'est répété à plusieurs reprises, avant qu'il ne soit trop loin pour l'entendre. Que veulent-ils à l'étudiant? Hotaru se doute que ça ne doit pas être évident pour lui, qu'il a vraiment besoin d'une bonne personne à ses côtés et aussi modeste soit-il, il n'ira pas dire à ces gens que ses intentions sont normales. Il ne passe pas du temps avec son aîné parce qu'on lui a demandé de le faire, mais bien parce qu'il le veut et que ça ne le dérange en aucun cas.

Ce matin encore, Hibiki a quitté la salle de classe tel un voleur, en se sauvant à l'anglaise. Pas un mot, ni un regard vers les autres. Hotaru l'a regardé s'éloigner puis disparaître, des questions plein la tête. Que cherche-t-il à fuir? Ou plutôt qui? Pourquoi? Personne ne lui veut du mal dans cette classe, ni dans cette école. à moins que la luciole ait une vision trop pure et innocente du monde pour réaliser que les élèves ne sont pas tous des saints. Lui-même ne l'est pas, avec son tempérament changeant et sa curiosité maladive. Haussant ses épaules, il s'était à ce moment-là qu'il verrait avec l'intéressé quand celui-ci serait à sa portée. Il n'avait pas prévu de zapper et de se le faire rappeler plus tard, par des ragots dans les couloirs de son bâtiment. Puisque c'est l'heure de la pause, autant le chercher et lui demander directement sans attendre de le revoir par hasard entre deux cours, ou à la fin de ceux-ci.

Sa brioche à moitié entamée, Hotaru n'a pas perdu trop de temps à retrouver l'autre garçon. Il a suffi qu'il demande, tout simplement. Avec les informations reçues des élèves, il s'est dirigé vers l'une des salles de classe inoccupée durant les pauses de midi. La plupart vont manger à la cafétéria ou dans des endroits plus joyeux qu'une pièce et quatre murs, surtout quand il fait beau. Comme prévu, l'élément de ses recherches se trouve bien dans la zone indiquée. La porte entrouverte pour jeter un coup d'oeil rapide, Hotaru s'autorise à rentrer complètement en voyant qu'Hibiki est là.

« Hibiki? Lâche le bleuté en s'approchant, ses doigts se serrant sur son "repas" émettant un son de plastique froissé. Tu ne manges pas? Après tout, c'est l'heure de la pause-déjeuner. ça va? Ajoute-t-il, une fois placé devant lui. »

Mine de rien, Hotaru est un môme qui s'inquiète facilement pour les gens, davantage pour ceux placé sous sa responsabilité et... Comment dire? Hibiki est le seul dans ce cas-là, donc il essaye d'en prendre soin à sa façon. Quitte à faire irruption dans sa bulle, là où il voudrait certainement être tranquille, plutôt que dérangé par un gamin aux cheveux bleus et à l'allure rebelle.

Le coin de ses lippes se rehausse doucement, décorant son faciès d'une esquisse rayonnante. Heureux de retrouver le garçon après un certain temps à le chercher dans les corridors de l'école. Son corps se mouve et s'approche, ne remarquant ce qu'il tente de cacher sans grande discrétion. Ce ne sont pas ses affaires, penserait-il s'il venait à les découvrir par mégarde. Son attention se porte sur le plus vieux retournant sa question après une rapide réponse de sa part. Dévoilant son repas avec une mimique enfantine, la luciole n'en dit pas plus sur ce sujet-là. Il mange, ou plutôt il cale son appétit avec ce qu'il a.

« ça va. Commence-t-il, avant d'ajouter. Je te cherchais. »

D'une expression ingénue, il incline son visage à la forme arrondi sur le côté, sûrement dans l'intention de déceler davantage d'information chez le jeune homme. Hotaru n'est pas devin, ni doué pour décrypter les attitudes de ses vis-à-vis, passant la plupart du temps à côté de quelque chose. Même si leur rencontre résulte d'une requête signification d'un corps enseignant, le garçon n'est pas là dans l'unique intention de remplir sa mission. Il ne s'intéresse pas pour l'autre seulement parce qu'on lui a demandé de le suivre, de le guider, mais bien parce qu'il le désire sincèrement. Ce n'est sans aucune obligation qu'il l'a cherché et rejoint dans cette salle vide. Rassuré dans sa question précédente, le bleuté sourit à la vue du sandwich affiché par son camarade. Il disait vrai, bien qu'il n'en ait pas douté un instant.

« Qui m'oblige? S'appuyant sur le bureau voisin, ses prunelles l'observent d'un regard bienveillant. Je te dérange? Si tu veux dormir, je peux partir. S'inquiète-t-il en penchant une nouvelle fois son visage, tel un chiot. »

Sa main bandée ne lui échappe pas, bien qu'il ne pose aucune question pour le moment et se contente de pincer ses lèvres. Sont-ils suffisamment proches pour qu'il puisse l'interroger? Est-il seulement autorisé à s'immiscer de la sorte dans sa vie privée? Les jambes tendues, il les examine comme si celles-ci prenaient toute son attention au point d'en oublier le reste. Pourtant il reste attentif, à l'afflux de l'autre.

« Pourquoi aurais-je dit non? Là est la question. Ses épaules se haussent, d'un air innocent. Tu ne veux pas que je t'aide? »

Hotaru n'est pas le meilleur des élèves de cette école, mais il est sociable et compréhensif, gentil et attendrissant. Ses sauts d'humeurs n'interfèrent pas dans sa scolarité, ni dans ses relations. Qu'il soit grincheux ou buté ne l'empêche pas d'être honnête et authentique. Il n'y a pas plus fidèle que lui, ni plus serviable. C'est de bon coeur et avec joie qu'il remplit la proposition faite par les professeurs à l'encontre d'Hibiki. Il n'y voit aucune contrainte, aucun problème. Juste une opportunité de faire plus ample connaissance avec ce garçon dont il ne sait rien, si ce n'est qu'il suit le même cursus que lui, avec du retard.

« Est-ce que tu viens ici pour les autres ou pour toi? Le garçon aux mèches bleutées s'assoit plus confortablement sur le bureau, venant croiser ses jambes contre ton torse, les pieds au bord de la table et les coudes sur ses genoux tandis qu'il pose son menton sur ses bras. Quelles sont tes raisons? »

L'enfant affectueux s'infiltre à travers les mailles du filet, cherchant une zone neutre où se caler pour ne pas se faire éjecter par son aîné. D'une nouvelle esquisse, il porte son regard vers l'une des fenêtres et se perd dans la contemplation du ciel.

« Ne pouvons-nous pas devenir des amis, toi et moi? Qu'il murmure du bout des lèvres, les iris toujours perdus dans le vaste océan parsemé de mouton blanc. On ne m'a pas demandé de rester avec toi, là, maintenant. Je suis venue parce que je m'inquiète pour toi. Il ramène ses yeux sur lui. Je n'ai aucune raison de te faire la morale, mais je me demande juste pourquoi tu fuis les autres? Ils ne sont pas tous hypocrite. »

Après tout, il est la preuve que tous les élèves ne sont pas comme il le décrit. Certains sont différents, comme lui, comme ceux qu'il fréquente tous les jours et très certainement comme beaucoup d'autres autour d'eux.

Répondre à des questions par des questions, typique du jeune garçon qui cherche à savoir si sa présence dérange vraiment ou si l'autre fait son timide, son introverti. Hotaru ne cherche pas à s'immiscer dans son espace privé, ni à le déloger de ce cocon qu'il s'est forgé au fil des années. Il est juste curieux. Oui voilà, une curiosité maladive qui pourrait lui attirer bien des ennuis. Est-il empathique? Il ne pense pas s'épancher des sentiments des autres, ni les ressentir de près ou de loin. Quant à la pitié, il n'est pas un fervent admirateur de ce sentiment dont il connaît pourtant les nuances pour l'avoir maintes fois expérimentées à une époque lointaine. La pitié d'être cet enfant endeuillé, fautif, innocenté et pourtant détruit par la perte de son cadet. Aucune pitié ne pourrait le ramener, ni le faire se pardonner à soi-même.

« Je n'ai pas pitié de toi et puis, dois-je être ton meilleur ami pour m'inquiéter? Demande le bleuté en fronçant légèrement les sourcils. »

Ce n'est pas évident pour le plus jeune pour saisir toutes les nuances de son camarade. Tout ce qu'il voit pour le moment, c'est du noir et du gris. Beaucoup de zone d'ombre qu'il ne parvient pas à dissiper malgré ses interventions. Hibiki ne semble pas vouloir s'ouvrir à lui et ça l'attriste. Pourquoi ne pourrait-il pas discuter avec lui? Qu'est-ce qu'il perd à accepter sa présence et à le laisser parler? Bon, sûrement de sa tranquillité mais le bleuté sait se tenir si on lui demande de se taire. Il voit bien l'agacement chez son aîné, sa façon de vouloir le chasser le plus délicatement possible alors que l'autre insiste, décidé à ne pas partir si vite.

C'est vrai ça, pourquoi être si buté quand l'autre ne souhaite rien de sa part? Hotaru hausse les épaules sans répondre clairement. Il ne sait pas, il le fait c'est tout. Pourquoi devrait-il avoir une raison d'agir? Il n'a aucun compte à lui rendre après tout. Ce n'est pas parce qu'il a accepté la requête du professeur qu'il se sent obligé de tout faire envers Hibiki. La luciole n'est pas si sournoise, elle ne pense pas de cette façon à voir les intérêts derrière les opportunités offertes.

« Je viens pour toi. Se contente-t-il de répondre, simplement. »

Hibiki a vécu des moments difficiles qui échappent à la connaissance de son interlocuteur. à l'inverse, Hotaru dissimule bien des souvenirs douloureux lui aussi. Pourtant il ne se cache pas des gens, il  ne fuit pas le monde, il n'accuse personne d'autre que lui-même. à contrario, il s'inflige des punitions pour ne pas oublier ce qu'il a fait. La peur du vide, le manque de sommeil dont l'incapacité de fermer les yeux plus de quelques heures à peine, les cauchemars à répétition, la crainte de perdre un proche mais aussi l'envie de se sentir libre, de profiter en pensant que c'est court pour regretter. Il n'est pas qu'innocence ou insouciance, il a ses démons et ses défauts, mais il ne les impose à personne et s'en garde bien même.

« Comment pourrais-je apprendre à te connaître si je ne pose pas de question? Et si je ne sais rien de toi, alors je ne pourrais pas rester à tes côtés. Car il le repousse sous prétexte qu'ils ne sont rien l'un pour l'autre. Je ne suis pas le méchant dans l'histoire, il n'y a même pas réellement de méchant en fait. »

Hotaru connaît la mort, depuis que son petit frère n'est plus là. Chaque jour depuis de longues années, il ne parvient à l'effacer de sa mémoire ni à arrêter de s'en vouloir. S'il n'avait pas insisté pour qu'il joue avec lui... Pour qu'il grimpe dans cet arbre... Peut-être serait-il encore là. S'il savait la raison de cette grande peine, Hotaru pourrait le comprendre. Il pourrait lui dire qu'on n'apprend pas à vivre avec, on le fait et c'est tout.

« J'en ai conscience. Acquiesce-t-il naturellement. Si je venais de débarquer dans cette école sans connaître personne, je serais rassuré d'avoir quelqu'un qui veuille rester à mes côtés et m'aider dans un endroit où je ne sais rien. Sauf qu'il n'est pas à sa place, qu'il n'est pas lui non plus. Je me fais chier? Essayer de te convaincre d'être mon ami est plutôt divertissant. »

Sa bonne humeur ne veut pas s'envoler, tandis qu'il offre un sourire au brun. Hotaru quitte le bureau où il s'était installé pour aller à la fenêtre, jeter un coup d'oeil vers l'extérieur avant de se tourner dos à la vitre et s'appuyer contre le bord.

« Je vais la refaire. Lâche le bleuté d'un coup. Je suis Shima Hotaru, j'ai 20 ans et je suis né ici à Neozone. Mes parents sont toujours ensemble et travaillent tous les deux. La semaine je loge sur le campus de la fac. J'ai un chien nommé Hachi, un Shiba d'un an. Son esquisse s'élargit en monologuant, puis il se met à compter sur ses doigts à chaque anecdote. J'aime les bonbons, mais je déteste les fruits de mer. Je suis fan de superhéros, spiderman est mon préféré. J'adore les lucioles, d'ailleurs mon prénom veut dire luciole. Je rêvais d'être astronaute mais j'ai le vertige. Ma nuit record est de trois heures. J'aime dessiner même si ce n'est pas du grand art. » Bavard? Il fait seulement en sorte que l'autre en sache plus à son sujet.

Hotaru semble bien insistant avec son camarade, il n'est pas du genre à lâcher l'affaire ou à baisser les bras devant les difficultés. Sinon il aurait arrêté ses études dès le début en voyant à quel point le niveau était différent du lycée et des cours d'arts plastiques. Face à Hibiki, il se sent d'humeur à se montrer un peu envahissant et collant, quitte à l'agacer ou à se prendre sa mauvaise humeur en pleine tête. Au pire, il n'aura qu'à s'excuser de le mettre dans une situation délicate et non désirée. Le brun préfère sa solitude à l'accompagnement de quelques élèves dont ils ne partagent rien en commun. N'est-ce pas le plus intéressant? Partager, apprendre à connaître l'autre et à développer ses connaissances grâce à la diversité d'autrui? Hotaru n'a jamais eu aucun problème avec ça, ni pour parler, ni pour interroger, ni pour donner comme il reçoit en retour. C'est avec plaisir qu'il s'accroche aux gens, qu'il découvre leur univers et leurs centres d'intérêt. Hibiki n'est pas en reste, aussi solitaire et peu présent soit-il.

Ce n'est pas une demande d'amitié sincère qu'il réclame à son aîné, mais plutôt un pacte de camaraderie? ça n'engage en rien, chacun est libre de faire ce qu'il veut sans réellement se soucier de l'autre. Le bleuté ne va pas le poursuivre dans les couloirs en hurlant son nom, il ne va pas non plus le harceler pour avoir de ses nouvelles ou le forcer à parler. Si vraiment Hibiki le trouve chiant, dans ce cas il arrêtera d'essayer de sympathiser, même si ça l'attriste de perdre cet échange. Pour l'instant, la luciole n'est pas décidée à décrocher, se lançant dans un monologue où il est question de se présenter lui-même à son compagnon.

S'il ne sait rien sur lui, alors Hotaru va lui en apprendre plus. C'est aussi simple que ça pour lui qui n'a aucune envie de se prendre la tête avec des idioties comme le manque d'intérêt, ou que sait-il d'autre. Ils n'ont pas besoin d'être similaire, ni d'avoir des tonnes de choses à se raconter pour devenir ami. Le plus vieux se prête finalement au jeu, se présentant à son tour. Le bleuté se réjouit d'apprendre qu'il a aussi un chien et qu'ils pourraient se voir à l'occasion tous les quatre.

« Je me promène souvent dans mon quartier, mais parfois je prends le bus avec Hachi pour changer de coin. Ce serait avec plaisir de me promener avec Koda et toi! Son sourire jusqu'aux oreilles, il hoche bien vite la tête en répondant. Oui! ça fait déjà quelques années. Insomnie, cauchemars, angoisses. Il y a un peu de tout. Dit-il en haussant les épaules. »

La perte de son petit frère en est la véritable cause, mais il n'aime pas vraiment parler de ça. La culpabilité est trop grande pour se souvenir à nouveau de cet incident causé par sa faute. Quand il pense à Tsubame, Hotaru ne peut s'empêcher de revoir le moment où le plus jeune gît au sol en pleurant, les mains saisissantes son vêtement au niveau du coeur. Refoulant cette image qui afflux rapidement à son cerveau, la luciole se concentre à nouveau sur l'autre avec un sourire mélancolique.

Il y a du progrès avec Hibiki, celui-ci laisse une place à ses côtés en poussant ses affaires comme pour inviter le plus jeune à s'approcher. Avec une esquisse, Hotaru se permet d'être plus proche avec lui, sans pour autant empiéter sur son espace vital. Alors quand l'autre lui parle de Batman, cela éveille subitement son attention.

« Batman? Tu aimes bien les chauves-souris? Ou alors c'est le côté héros sans don, ni pouvoir? J'aime beaucoup sa batmobile! Je voudrais tellement avoir sa voiture et arpenter les rues de Gotham City! Il parle trop, mais le brun doit déjà l'avoir remarqué. Spiderman est tellement cool, dans le genre adolescent embarqué malgré lui dans une aventure folle! Je me demande si je pourrais être comme lui si une araignée venait à me mordre? Rit-il, amusé par cette perspective. »

Quand on apprend à le cerner, Hotaru n'est pas un méchant garçon. Son humeur est changeante, parfois il est tendre, parfois il est énervant, mais ce n'est pas un mauvais bougre pour autant. Faut juste apprendre à le cerner et à voir quand il est cool ou moins cool.