Noguchi Kami + Violin

Kami a grandit dans un univers musical, aîné d'une fratrie de trois garçons musiciens, chacun spécialisé dans un genre d'instrument. Pour le plus âgé, on lui glissa entre les mains un violon dès qu'il fut en âge d'en porter un, un professeur particulier lui donnant des cours quotidiens pour que ses airs ne ressemblent pas aux cris d'un chat agonisant. Il a grandit dans un univers distingué, également, son père faisant partie de la haute société, maire de Neozone et CEO de la Zen Entertainment, homme réputé et bienveillant qui voulait pour ses fils un avenir parfait. Kami, premier né, serait son héritier pour la Zen Ent. tandis que les deux plus jeunes se partageraient son héritage politique et légal. Tous trois reçurent pourtant une éducation similaire sur un point : le savoir vivre. Être poli, aimable, courtois, ne pas dire de grossièreté, toujours dire merci et sourire.

Ayant étudié dans des écoles privées jusqu'au lycée, Kami n'a fréquenté que des enfants bourges et bien élevés, des enfants comme lui, des enfants au dos droit et au langage raffiné. Des enfants hypocrites. Comme lui, ils avaient appris à toujours dire du bien des autres et à se montrer parfait même quand on ne l'était pas. Des enfants en carton, voilà ce qu'ils étaient au yeux du violoniste. Et lui aussi en était un. Un enfant trop parfait pour être vrai, sans aucun défaut, aussi lisse que la peau de son visage badigeonnée de soins et de crèmes chaque matin et chaque soir. Jusqu'au jour où un défaut pointa le bout de son nez, et ce défaut avait un nom masculin. Une amitié tactile, des sentiments ambigus, une soirée alcoolisée... Kami avait déjà une petite amie à l'époque, une parfaite jeune fille de la haute, mais cette soirée avec ce garçon lui fit comprendre que les sentiments qu'il avait pour elle n'étaient dictés que par les normes et les obligations imposées par sa conditions. Craignant la réaction de son père, le jeune homme garda ce secret pour lui, n'en parlant pas même à ses frères ou à sa mère, ne partageant ce bout de lui qu'avec les hommes qui l'invitaient dans leur lit.

À Wonderland, Kami avait choisi de faire un double cursus en musique et commerce, voulant allier sa passion du violoncelle et son futur dans la Zen Ent, de telle sorte qu'il du faire une année supplémentaire pour pouvoir valider tous ses cours. Ayant passé les trois premières années au dortoir, il eut moins besoin de se cacher pour entretenir ses relations impies, ne devant plus que mentir à sa petite amie quand elle voulait passer alors qu'il n'était pas seul, se contentant de se taire vis-à-vis de sa famille. Sachant qu'il ne pourrait jamais avoir une histoire stable et durable avec un homme, il les enchaînait et les échangeait en s'assurant de ne pas développer de sentiment, les quittant quand il se sentait fondre, les repoussant quand ils voulaient s'accrocher. Tous étaient bien au courant de sa condition et de leur absence d'avenir ensemble, mais il arrivait que l'un ou l'autre tente tout de même de le forcer au coming out, l'un ou l'autre ayant même tenté de le faire chanter. "Tu le dis ou je le dis". Mais Kami pouvait se montrer autoritaire et parfois effrayant, cinq minutes avec eux suffisant à les persuader que le menacer était la dernière chose à faire.

En entrant en master, Kami a demandé à quitter le dortoir pour se prendre un appartement dans le Quartier Est, payant son loyer en donnant des cours de violon et violoncelle à des enfants et adolescents plus ou moins doués. Il croisait des virtuoses tout comme il en croisait qui ne voulaient pas apprendre et étaient forcés par leurs parents. Pour les premiers, Kami les aidait à devenir encore meilleurs et à participer à des concours ; pour les autres, il se contentait des bases et de quelques morceaux faciles pour faire plaisir aux adultes. Ces cours se donnant les weekends, il passait toutes ses soirées à étudier, se réconfortant de temps en temps dans les bras d'un amant ou libérant des soirées pour sa relation en carton avec sa fiancée. Parce que oui, à vingt-deux ans, il avait demandé la jeune femme en mariage, pour faire plaisir à son père, pour perpétuer la lignée en lui donnant des héritiers, et ce malgré la certitude que jamais il ne pourrait aimer cette femme de la façon dont elle l'aimait.

Le mariage avait eu lieu alors que Kami approchait de ses vingt-quatre ans. Un mariage en grande pompe, cinq cent invités dont à peine quelques amis, une cérémonie impressionnante, des mets succulents... La mariée était enceinte de leur premier enfant, un fils bienvenu pour tout le monde, héritier de l'héritier, premier petit-fils du maire. Sa femme l'appela Nobu, Kami accepta malgré le mensonge de son nom, malgré ses multiples infidélités dissimulées sous des cours particuliers. Depuis quelques mois, il donnait notamment des cours à un étudiant prometteur au nom imprononçable. Saito Mieczyslaw. Au début, tout était purement professionnel, il venait, donnait son cours, était payé, repartait. Et puis Kami s'est surpris à penser à lui quand il ne fallait pas... Quand il jouait avec son fils, quand il était en cours, quand il effleurait le corps de sa femme le soir. Des pensées interdites, des sentiments qu'il s'était toujours refusés, une relation impossible.

Mais il finit par craquer il y a maintenant quelques mois. La première fois, il était en train de corriger sa posture quand sa main glissa sur sa nuque, tentative fébrile, test timide pour vérifier une intuition. Et le résultat fut... surprenant. Une relation sans promesse, sans sentiment, sans avenir. Riche, Kami lui offrait des cadeaux en échange de sa compagnie, l'emmenant dans des restaurants étoilés, prévoyant de l'emmener en voyages pour le faire jouer sur les plus belles scènes du monde et, accessoirement, se retrouver seul avec lui loin des regards indiscrets. Sa femme était crédule, ne se méfiant pas quand il rentrait tard le soir ou en voyant ses factures salées - il s'arrangeait toujours pour lui rapporter un cadeau aussi et ainsi noyer le poisson. Sa famille ne se doutait de rien non plus, heureux que le couple attende un second enfant, ne s'imaginant pas une seconde que les pensées du père allaient vers une toute autre personne que son épouse au moment de sa conception... Conscient du danger que représentaient ces sentiments, Kami refusa pourtant d'arrêter ses cours particuliers quand, une fois son diplôme en poche, il devint professeur de violon et violoncelle à la Zen Ent, insistant pour continuer ces cours le week-end et garder une bonne excuse pour voir son sugar baby.