Birthday. Pour lui et Wu Jo. Belle surprise que Jun avait apprise de son compagnon. Avant leur dispute. Avant cet accident. Le jour de son propre anniversaire. Depuis, le moral du détective privé n’était pas des plus joyeux. Pas misérable. Juste un peu morose. De toute cette histoire, des problèmes et du stress qui s’accumulait. Une tension palpable qui lui donnait des douleurs physiques dû à tout cela. C’est pourquoi lorsque Jun passait devant une certaine chocolaterie, il s’arrêta net avant de reculer et de s’arrêter devant la devanture du magasin. Muni par il ne sait quelle volonté, le brunet s’engouffra à l’intérieur avec un pas très silencieux et décidé. Son regard se porta sur l’intérieur très sympathique et son regard se posa de lui-même sur une silhouette qu’il avait rencontré lors d’un certain festival. D’abord surprit, Wu Ju devait certainement se demander ce que foutait le cadet ici, sur son lieu de travail en sachant un bout de l’histoire avec Min. Armé d’un sourire à faire fondre les neiges éternelles, Jun s’approcha du jeune homme et pointa un doigt directement vers le chocolatier.
— Magne ton cul, je te kidnappe pour la journée.
Sans aucun choix, sans aucun autre mot. Jun en avait décidé ainsi et c’était tout. Sans attendre confirmation ou infirmation, sans laisser le temps à son interlocuteur de décider, il ressortait déjà du magasin. Son sourire s’élargissant, il savait que le meilleur ami du chef de projet l’avait suivi. La curiosité et le goût de l’aventure que lui proposait le brunet était trop alléchant, trop tentant pour ne pas y succomber. C’est pourquoi il se retournait en entendant Wu Jo le rejoindre, un éclat de rire s’échappant de sa gorge et il secoua la tête en signe de négation. Il n’allait certainement pas dire où ils partaient tous deux. C’était hors de question. Et donc en compagnie de son aîné, Jun rejoignait sa voiture dans lequel il montait avec agilité, laissant son comparse s’installait du côté passager. A peine les ceintures étaient bouclées que Jun détalait comme un lapin hors de la ville.
— Au fait, joyeux anniversaire en retard !
C’était le début de semaine, leurs anniversaires étaient passés donc Wu Jo avait déjà reçu le cadeau que Jun avait préparé pour lui. D’une chevalière aux couleurs préférés du chocolatier où il était gravé à l’intérieur deux petits mots. « Twin Flames ». Simple et efficace. Le détective privé avait eu cette idée sur un coup de tête, sans rien attendre en retour. Conduisant tranquillement, il quittait la ville pour la forêt et lac dont lui seul connaissait la destination. Ce qu’ils allaient faire là-bas ? Aucune idée, mais Jun ne pouvait laisser passer cette opportunité. C’était un moyen pour tous deux de décompresser et d’apprendre à se connaître en toute légèreté. Loin des problèmes, loin de la ville, loin de tout. Juste eux deux pour une partie de plaisir à l’état sauvage. Pour profiter, simplement… Profiter.
— T’inquiètes, j’ai des vivres dans le coffre.
Et bien plus. Si Wu Jo savait tout ce que dissimulait le détective privé dans sa voiture, il serait surpris. Ainsi, sur l’autoroute, le jeune homme était prêt à s’engager sur des petites routes pour faire durer le plaisir. Il avait même allumé la musique pour pouvoir chanter à tue-tête en compagnie du chocolatier, un sourire aux lèvres pour ce double anniversaire aucunement prévue.
Kidnapped. Séquestré dans une voiture qui filait sur l'autoroute à vive allure. Des paysages entièrement naturels défilaient de tous côtés : arbres, prairies, champs, forêts et monts lointains formaient les lignes d'horizons. Pas un seul building en vue, pas le plus petit urbanisme autre que le bitume sur lequel glissaient les pneus de l'auto. L'aîné était censé bosser mais était en train de vivre ce genre d'escapade qui lui ôtait toute envie de rentrer. D'autant que depuis plusieurs semaines, son travail l'épuisait d'un point de vue morale, il avait besoin d'un break. Alors, outre le détail qu'il en avait ouvert deux grandes billes de merlan frit à la vue de cette silhouette peu familière dans le décor de son atypique chocolaterie, dès l'instant où le cadet lui avait harponné le thorax de l'index en le sommant de se magner le cul, Wu Jo s'était laissé prendre au jeu. Abandonnant tablier et paquets de bonbon cacaotés derrière lui. Passant par-dessus le comptoir avec agilité comme s'il ne s'agissait que d'une barrière comme une autre, un maigre obstacle à sauter. Son collègue lui avait envoyé ses clés et sa veste puis la porte de l'enseigne s'était refermée sur lui. Basta.
A présent, il se laissait emporter par le véhicule élancé dans sa course vers la sérénité. Jun conduisait. Lui n'avait rien à faire, si ce n'était de profiter du transport, de la nature qui s'étendait à perte de visuel.
- Et merci, Ravisseur. répondit-il en retard, avec un sourire en coin adressé à la plaine verdoyante qu'ils longeaient et se reflétant dans le rétroviseur au miroitement impeccable. Mais crois pas que je vais baisser ma garde parce que tu me souhaites aimablement un "joyeux anniversaire" et que tu me sers des sourires d'angelot à faire fondre les glaciers ancestraux ! Il n'y a pas plus suspect qu'un mec qui débarque dans ta chocolaterie et t'embarque subitement dans sa voiture sans rien t'expliquer. Je te préviens, tu me couperas pas en rondelles pour me jeter dans une rivière, c'est foutu d'avance.
Sur ce, il tourna la tête vers son kidnappeur. C'était bien la première fois qu'il pouvait l'observer d'aussi prêt, le brunet à Min. Au festival ils ne s'étaient pas assis l'un juste à côté de l'autre, Jo pouvait même caler ses plus petits grains de beauté. Ça faisait bizarre de le voir là, en route vers une destination inconnue, aux côtés de quelqu'un qu'il ne connaissait que par les récits d'un proche commun. Jun le surprenait par son imprévisibilité : entre cet enlèvement improvisé et la chevalière qu'il lui avait offerte, le natif d'Incheon ne s'était attendu à aucun des deux. Chevalière en argent gravée d'un « Twin Flames » et surmontée d'une pierre d’améthyste qu'il portait à une chaîne solide et assortie, autour de son cou, aujourd'hui. Ayant reçu ce cadeau récemment, il l'arborait au quotidien depuis. Et ne voulant pas la salir dans ses activités chocolatières, Wu Jo ne la passait pas à son doigt quand il bossait, préférant la mettre à l’abri derrière son haut.
En réponse à cette attention qui l'avait touché, Jo lui avait retourné la faveur sous la forme d'un pendentif. C'était une pierre de cornaline en cristal taillé, la monture était gravée de deux autres mots inspirés des deux premiers « Peculiar Incendia » dans l'intention de lui renvoyer un présent "à la hauteur" de celui qu'il avait reçu. La pierre de cornaline était associée au masculin, au soleil et au feu. Elle était supposée augmenter le courage, soigner les vieux traumatismes du passé, inspirer parfois de grandes capacités de meneur et possédait bien d'autres propriétés vertueuses. Dans la petite boîte, Jo avait glissé un mot comme suit :
Yo, Jun ! J'espère que t'as la pêche. Ce pendentif tu peux le porter en collier, en porte-clé ou même en accessoire selon ton inspiration. Perso' j'aime bien y passer une boucle ou une mini chaîne pour me l'accrocher au passant du pantalon. A toi d'adapter à ta sauce pimentée ! Et merci pour la chevalière, elle est magnifique. Je la porte en ce moment-même. Bon anniversaire à toi et profites-en à fond !
Ni plus ni moins. Et à le voir, là, il avait l'air d'aller bien. Malgré ce qu'il se passait entre lui et Min-Ho en ce moment. En tout cas, il avait pas la tête de celui qui avait envie de se jeter de sa voiture en marche.
- Joyeux anniversaire de vive voix à toi aussi. Ça te fait quel âge, cette année ?
Pendant qu'ils parlaient, la musique allumée par Jun remplissait l'habitacle et baladait ses notes variées tout au long de leur trajet comme dans un curieux sillage instrumental et vocal. Sur la route, le chocolatier demanda au détective la permission d'ouvrir la vitre de sa portière pour laisser venir l'air pur de l'extérieur. Jo vérifia qu'il n'y avait pas d'autre véhicule derrière eux et tendit un bras dehors pour le plaisir de sentir le vent lui fouetter sa main ouverte en étoile de mer ainsi que sa chemise légère. Il n'y avait personne sur les voies autoroutières, si ce n'est une voiture ou deux croisées à quelques occasions et le ciel était clair, parsemé de taches blanches nuageuses ici ou là. Une journée qui s'annonçait belle, à l'humeur de paix et aux maints parfums printaniers.
- Haaa, Jun... Tu sais ce que t'aurais dû apporter au lieu des vivres ? Regarde un peu les paysages sauvages où tu nous entraînes, ça donne envie de retourner à l'état primitif, ça. Avec les outils de chasse de l'époque Cro-Magnon.
Ou pas, en fait, mais Jo aimait bien dire des conneries. En l'occurence, quand il était petit, c'était un jeu auquel il aimait s'adonner avec son petit-frère et sa grande-soeur. Ils se prenaient pour des indiens, se construisaient des huttes, faisaient semblant de chasser le gibier -allaient chiper la bonne grosse cuisse de cochon dans la réserve de papi et mamie pour la faire passer pour une cuisse de sanglier en dignes petits roublards qu'ils étaient- et célébraient leur chasse victorieuse autour d'un feu de camp cérémoniel de la gloire. Sauf que quand ils trouvaient un vrai petit oiseau mort, ils revenaient en pleurant pour le pauvre animal et lui organisaient un enterrement en l'honneur de sa mémoire, censé l'aider à trouver son chemin vers le monde spirituel. Wu Jo n'y réfléchit guère à deux fois en lâchant une part de ses souvenirs d'antan sans même y penser :
- Ça me rappelle quand j'étais gamin et que je restais chez mes grands-parents pendant les vacances. Je passais des plombes dehors dans ces paysages naturels à couper le souffle. J'adorais me promener partout, même la nuit. Et pendant que j'étais tout heureux à jouer les aventuriers d'un jour, eux ils se faisaient un sang d'encre de peur que je me fasse croquer par un ours ou par un puma.
Et le pire c'est que ça le fit rigoler de se rappeler leurs mines inquiètes tandis qu'il revenait avec des feuilles d'arbre dans les cheveux, les chaussures couvertes de terre, la tignasse désordonnée, quelques égratignures de batifolages enfantins sur la peau mais la mine si réjouie qu'on le croirait tout droit débarqué du pays des merveilles. Parfois, il refaisait surface si sale qu'on pouvait effectivement penser qu'il était tombé dans un trou... Bah quand il pleuvait et qu'il y avait plein de boue partout, ça aidait pas à rester propre, hein !
- Et sinon, toi qui me prives d'une journée entière de boulot sans m'en laisser le choix, tu crois pas que tu me dois au moins un petit indice sur notre fameuse destination ultra secrète ? demande-t-il avec un sourire espiègle de bon joueur.
Ouais, il insiste, mais tant de mystère... ça le rend hyper curieux !
Un rire éclatant s’échappait de sa gorge. Wu Jo avait ses propres mots avec de simples lignes énoncées avec amusement et pourtant il n’en fallait pas plus au détective privé pour rire. Pour simplement rentrer dans la peau de celui qui avait kidnappé le meilleur ami de sa moitié. Des sonorités esclaffées avec sincérité où brillait une étincelle certaine, Jun savait qu’il pouvait continuer ce petit jeu de rôle sans le moindre problème. Son comparse lui faisait oublier ses tracas quotidiens, cette peur qui le bouffait de l’intérieur et ternissait sa flamme incandescente. Mais en ce moment même, elle se ranimait. D’un feu brûlant et consumant. Mais pas pour détruire. Mais pour flamboyait de leur propre lumière, laissant les ténèbres loin derrière eux.
Comme le cadeau. De Wu Jo à son intention et qui avait nettement surpris Jun. D’un anniversaire donné sous le un signe orageux, il n’avait pas espéré grand-chose de ses vingt quatrièmes années. Pourtant, le chocolatier avait su redonner un petit quelque chose perdu. D’une attention d’une tierce personne à son intention et même s’il ne le montrait pas tout à fait, le brunet avait réellement était touché. Contrairement à son nouvel ami, Jun ne le portait pas autour de son cou, cet emplacement étant réservé uniquement pour les plaques militaires de ses parents. A la place, il avait décidé de l’ajuster et de le porter autour de son poignet, à la place d’un ancien bracelet en cuir de sa mère. Sous sa manche, il ne se voyait pas. Relevé, il se mariait parfaitement avec ses tatouages, rajoutant une touche colorée subtile sur sa peau. Et Jun se fit la promesse de le remercier comme il se devait.
- J’ai 24 ans maintenant. J’allais te le demander, mais voyons, je le sais déjà. Kidnappeur et stalkeur je vous prie. On ne fait pas les choses à moitié ! Quant au Cro-Magnon, je me suis assez rassasié de ration militaire tout le long de ma vie, laisse-moi profiter de la bonne nourriture monsieur le chocolatier. Mais pour la peine, je te laisserai chasser les bêtes sauvages et gourmandises que la nature nous offre.
Jun plaisantait… A moitié. Offrant un regard à son partenaire de la journée, son sourire énigmatique au coin des lèvres n’inaugurait rien de bon. Absolument pas. Pas pour Wu Jo en tout cas. Jun avait réellement l’intention de le laisser chercher de la nourriture par lui-même vers les montagnes dans lesquelles ils se dirigeaient. Histoire d’emmerde le monde. Histoire de le mettre au défi. Le jeune chocolatier relèvera-t-il le challenge ? Jun aura sa réponse sur place. Et de toute façon, il n’aura pas réellement le choix. Le brunet refusera quoi que ce soit et participera certainement à cette aventure supplémentaire. Histoire de rire encore plus qu’il ne le fait déjà.
C’est ainsi que tout en roulant, il écoutait sagement les anecdotes de son compagnon de voyage. D’une enfance assez amusante apparemment et d’une inquiétude donnée aux aînés. Tiens donc, cela lui rappelait étonnamment une personnalité qui faisait la même chose. Un fin sourire nostalgique se peignit sur ses lèvres, refusant de céder à autre chose que la bonne humeur ambiante, c’est pourquoi Jun prit la parole avant de se laisser submergé par ses propres souvenirs et la tristesse d’une perte sanglante survenue trop tôt.
- Et tu as vraiment rencontrer un puma ou un ours un jour ? A part rencontrer des lapins ou sangliers, qu’est-ce que tu faisais de plus dehors et la nuit également à part te balader ? Ne me dis pas que tu étais si sage que ça ? Révèle tout tes secrets, mon ami.
D’un clin d’œil complice, c’était le signal qu’il serait le gardien de ses confidences. C’était la première fois qu’il se retrouvait avec Wu Jo et Jun ne se lassait pas d’en apprendre davantage sur l’individu à ses côtés. Il voulait tout savoir. Tout dans les moindres détails et quelque part, il savait que le chocolatier le ferait. Ils étaient semblables sans l’être à la fois, ce qui rendait leur lien si particulier. Jun allait le chérir, c’était certain. Etant un propre de sa moitié, il est dorénavant quelqu’un de précieux pour le détective privé.
- Quel drame de ne pas travailler une journée ! Tu m’aimes plus moi et mes mystères, je le sais. Tu ne peux pas résister et c’est pour ça que tu ne sauras toujours rien. A moins que… Tu sois convainquant.
Jun haussait les sourcils pour pousser son comparse à le faire. A jouer le jeu. Il devait le convaincre. Le convaincre de révéler plus que leur destination qui se rapprochait à grand pas. Comment ? Seul Wu Jo avait la réponse. Jun conduisait tranquillement et nonchalamment, attendant les fameux mots de son aîné. Le challenge était difficile et le mutisme du plus jeune bien présent. Il se demandait donc comment son Twin Flames allait le faire craquer ?
La bouche à Jo bifurquait en pointe sur le coin droit de ses lèvres en un demi-sourire qui gonflait sa pommette d'un contentement non-dissimulé tandis que le rire de son voisin résonnait avec clarté dans l'habitacle éclairé. Cette escapade impromptue avait des airs de vacances d'été. Vacances partagées l'espace d'une journée entre deux jeunes hommes qui ne se connaissaient pas encore. Deux jeunes hommes qui avaient leurs vies, leurs secrets, leurs passés. Des zones d'ombres qui n'entraient pas en compte car elles n'avaient pas leur place dans cette évasion libérée. 24 ans. Jun entrait dans sa 24ème année tandis que Jo en ressortait tout juste. Amusant. Le chocolatier se doutait bien que le détective n'était pas beaucoup plus jeune qu'eux, même si parfois il avait eu de légers doutes au vu de son beau visage juvénile. Une année de différence, c'était rien. Il ne la ressentait même pas.
- 24 ans, c'est un bel âge. Ah ouais, tu me stalkes, en plus ? Je vais finir par me méfier de toi, à ce rythme, attention. J'ai quel âge, alors ? Vas-y. On va voir si t'es si bien renseigné que ça. Wu Jo avait le sourire malicieux de celui qui tendait un mini piège à son nouveau comparse. Haaa, les rations militaires c'est pas ce qu'il y a de plus plaisant pour les papilles, je te l'accorde. Ça vaut pas les brochettes et les viandes cuites au barbecue ou un banana split nappé d'un bon coulis de sauce chocolat. Yum. ... Qu'est-ce que ça signifie "Je te laisserai chasser les bêtes sauvages", s'il-te-plaît ? Tu vas me faire porter un pagne en peau de bison et chercher du gibier avec une lance à pointe de silex à la main ?
Pour la peine, Jo fixait Jun en arquant une arcade sourcilière, l'air de dire : "Qu'est-ce que tu me prépares, là ?". Ce smile énigmatique ne lui disait rien qui vaille... Néanmoins, un sentiment le prédominait nettement sur l'appréhension : la curiosité. Et pas que. De minute en minute, sans même qu'ils n'aient ni l'un ni l'autre remis un pied dehors, son partenaire de fugue lui offrait un peu plus d'aventure et l'aventure c'était vivifiant. Doucement, les deux garçons se ravivaient une flamme essoufflée. Ça commençait par des braises, quelques étincelles, puis ça se transformait en feu. Jusqu'ici c'était agréable comme des bûches qui commençaient à peine à être nourries au souffle oxygéné. Virevoltant quelques lucioles rouges incandescentes dans l'air ambiant. Signes d'un ravivement flamboyant imminent. Éphémère ou... pas si éphémère. Rien d'incendiaire. Rien d'atomique comme une bombe qui explose. Non. Juste une naissance ou une renaissance d'essence brûlante à venir.
La flamme de Wu Jo s'étouffait de plus en plus ces temps-ci. Ce, à cause d'un rythme de vie professionnel qui ne lui convenait plus autant qu'avant. Certes, il aimait son travail mais quelque chose lui manquait. Énormément. Ses séances d'activités physiques et sportives se faisaient trop rares à son goût. Cela altérait sa personnalité profonde. Faisait battre son coeur ardent avec moins de peps que d'antan. Rendait ses traits plus ternis et un peu moins joviaux. Sans chercher à en parler ni spécialement à le cacher. Gardant simplement ces manques pour lui-même parce qu'il essaie de ne pas les écouter puisqu'il ne peut les combler.
- Même un lynx. répondit-il au conducteur, les yeux rivés sur la route qui défilait comme un tapis roulant de course à pied. Mais de loin. Il était en train de boire sur la rive d'en face et se fondait si bien dans le décor que j'ai failli ne pas le voir. S'il n'y avait pas eue la rivière, je l'aurais suivi dans son périple tout l'après-midi. Le puma, c'est lui qui nous a trouvés. J'étais avec mon frère et ma sœur, ce jour-là, et on avait déjà repérées des empreintes de fauve dans la terre mais le félin était complètement hors de vue donc on a cru qu'il était parti. Jusqu'au moment où, dix-quinze minutes plus tard, on a repéré sa tête qui dépassait des fourrés et qui nous regardait. Je te dis pas les sueurs froides. A chaque fois qu'on se déplaçait et qu'on regardait derrière nous, il était un peu plus proche. On entendait par moment de très légers craquement de brindilles mais il fallait être très attentif pour les capter. Le prédateur nous traquait. Trois tendres petits morceaux d'humains miniatures, tu m'étonnes, on devait être appétissants. Les adultes étaient loin. Alors on a ramassés des cailloux tout en marchant le plus calmement possible puis on s'est retournés et on les lui a lancé un à un en hurlant comme des fous pour faire du bruit. Dans l'espoir de l'effrayer. Soit c'est ça qui a marché, soit ce sont les grands qui ont débarqués au pas de course en entendant notre raffut qui s'est répercuté en écho dans les montagnes. Un groupe d'escaladeurs. Ils nous ont ramené au chalet et c'est comme ça qu'on s'en est tiré.
Fin de l'histoire. De cette histoire. Survenue quand il avait moins de 10 ans sur les terres où vivent ses grands-parents maternels. Quelque part sur l'île d'Eastland elle-même. Là où la faune et la flore prédominent au-delà de l'horizon dans une atmosphère pure dénuée de pollution. L'esprit de Wu Jo y vagabonde avec nostalgie et sérénité. Rien de ce qu'il avait fait à cette époque ne lu provoquait de regret. Aucune de ses bêtises car elles lui avaient enseigné beaucoup plus que s'il ne les avait pas faite et cela lui avait également permis de comprendre qu'il n'aimait pas rester oisif, qu'il aimait expérimenter, qu'il était fait pour l'action bien plus que l'inaction. Qu'il préférait vivre à l'extérieur que cloîtré entre quatre murs, les yeux rivés sur un écran à jouer à des jeux ou dans un bouquin à lire toute la sainte journée.
- Tous ? Ah, allez, je sais que tu sais que ce n'est pas drôle de tout révéler d'une traite et de ne plus rien avoir à découvrir. Suffit de voir tous les secrets que tu me fais depuis tout à l'heure. fit-il en guise de fausse remontrance. Je partais à la conquête des falaises, des arbres et des rivières. Je piquais les jumelles à mon papi, je grimpais des branches ou les pentes rocheuses le plus haut possible, quitte à me fatiguer les muscles parce que ça me faisait du bien, pour repérer les nids d'oiseau, les terriers de renard, les chamois sur les rochers et je revenais avec des vêtements un peu déchirés, plein de brindilles, d'échardes, les mains cloquées. Construire des cabanes de branchage et de mousse, c'est un incontournable. Mais c'est suicidaire d'y rester la nuit. Ça ne m'empêchait pas d'y dormir, là où dans des cavernes. Seul ou avec les autres membres de ma fratrie. Je sortais même quand il y avait de l'orage parce que les éclairs montrent un autre aspect de la nature. Et je faisais également d'autres... choses que je te raconterai peut-être, plus tard. Une autre fois. Peut-être. Parce que c'était d'un autre ordre. Très différent de ces péripéties d'apprenti explorateur.
Jun et lui faisaient à peine connaissance mais Jo se montrait déjà si bavard que ça l'auto-surprenait. Indéniablement à l'aise. Il fallait dire que le chocolatier n'était pas bien difficile à faire parler, que ce soit de lui ou des autres. Et puis, il se peut que le cadeau particulier reçu par son voisin l'incitait aussi à se délier la langue. Cadeau qu'il sentait contre son torse sous sa chemise, le métal était dur et chaud. Bien présent. Il l'accompagnerait toute cette sortie durant jusqu'au soir. Présent d'un nouvel ami qu'il n'appréciait pas uniquement pour le geste ou la gravure inscrite mais également parce que ça collait avec le type de bijou qu'il aimait porter. Bien que c'était sa toute première chevalière, Wu Jo n'avait jamais pensé à s'en acheter une avant. C'était pas faute de tentation car ça avait de la gueule ce genre d'ornement phalangien mais son inclination penchait souvent sur d'autres styles de bague. Croix, dragons, squelettes, etc... C'était ce qu'il privilégiait. Le cadeau de Jun changeait et, franchement, le "cadet" avait bien visé.
Cette fois, ce fut autour de Wu Jo de rire. Doux. En tout cas, il l'avait bien cerné. En même temps, qui n'aimait pas l'inconnu ? Qui n'était pas curieux de ce qui se cachait derrière le rideau du secret ? Excité à l'idée d'en lever le pan soi-même pour voir avant tout le monde ce qui s'y dissimulait. D'ailleurs, qui avait dit que la curiosité qui nous poussait à passer derrière le voile était un vilain défaut ? Wu Jo ne voyait pas les choses sous cet angle. Bien sûr, il fallait faire attention où l'on mettait son nez et savoir se stopper devant certaines ouvertures cadenassées mais... parfois, franchir ces verrous permettait d'éclairer une pièce trop longtemps plongée dans la pénombre. Oui, Jo aimait les mystères. Et Jun semblait en regorger. C'était une aura qui lui allait bien, qui rendait sa compagnie intrigante.
- Ah ça, y a pas photo, sinon je serais pas là. Toi et tes mystères, vous êtes imbattables. Convainquant, hein ? Il pressentait que Jun n'était pas du genre à se laisser convaincre par une proposition banale et simplette. Il fallait quelque chose au moins à la hauteur du secret dissimulé, ce qui rendait le défi attractif. Très bien. Hmm... Laisse-moi une petite minute de réflexion et je te tendrai un appât alléchant. Après une petite minute et des poussières... Oui, il avait dépassé le délai d'attente mais chut. Les secondes enfuies en valaient la peine. En Australie, il y a à peu près dix ans, on faisait les fous avec une bande de potes près d'un canyon quand je me suis fait mordre par un crotale. Inoubliable torture, j'en ai la marque à vie sur ma cheville gauche. Donne-moi ton indice. Un indice qui en vaut mon récit. Et je te raconte comment j'ai survécu.
Alors ? Est-ce que ça allait le faire craquer le mystérieux kidnappeur-stalkeur ou n'était-ce pas suffisamment croustillant à son goût ? En appuyant son dos et l'arrière de son crâne contre le siège du passager, Wu Jo resongea à toutes ces fois où Min lui avait parlé de lui. Cherchant dans sa mémoire ce qu'il savait plus ou moins de l'adulte qui fêtait son anniversaire quasiment en même temps que le sien. Jun ne lui était pas si inconnu mais sa... Flamme Jumelle lui était plus étrangère que familière. Cependant, le chocolatier avait compris que son homologue avait du caractère, il dégageait une force calme encore indéfinissable pour "l'aîné".
Attention et silence étaient les maitres mots de Jun tandis qu’il écoutait son compagnon de route racontait son histoire. La musique en fond dans la voiture rajoutait une ambiance unique alors, que Wu Jo continuait son récit avec passion et nostalgie et imaginant les scènes, un discret sourire fleurissait sur les lèvres du détective privé. Ce dernier n’aurait pas pensé le chocolatier aussi bavard, mais l’en remerciait silencieusement et sincèrement, il comblait à lui tout seul le mutisme du militaire.
Celui-ci penchait légèrement la tête sur le côté tandis que son regard ne quittait jamais un seul instant la route devant lui. Jun quittait doucement les nouvelles routes pour un chemin un peu plus sinueux et plus terreux. Heureusement sa voiture était tout terrain et circuler sans problème. Le soleil tapait et réchauffait l’habitacle, ajoutant une touche de joyeuseté dans leur aventure. Encore plus aux propos du jeune homme à ses côtés, mais à cette évocation, un sourire taquin se dessinait sur les lippes masculines du brunet.
▬ Ma mère était dans la médecine militaire et j’ai rencontré plus d’un médecin sans frontière, crois-moi Wuwu, j’ai vu bien pire qu’une morsure de crotale, mais après tu racontes tellement bien les histoires que je suis toujours ouïe pour entendre le récit de ta mésaventure. Jun accélérait brutalement, roulant à vitesse inadapté et dangereuse sur le chemin de terre. Avait-elle la même adrénaline qu’un risque de se prendre tout et n’importe quoi, qu’en ce moment même ? Tes potes étaient-ils aussi réactifs ou alarmés face à la morsure ? Etais-tu réellement conscient ou trop perdu dans la douleur pour te souvenir de quelque chose ?
Plus il posait de question, plus il accélérait dépassant largement le compteur des 100 kilomètres heures et nonchalamment, Jun continuait de conduire, anticipant les virages comme s’il connaissait déjà la route et l’avait emprunté plus d’une fois dans le passé. Ses mains étaient souples sur le volant malgré la cadence soutenue et le danger possiblement imminent. Pourtant, c’était comme si le militaire profitait d’une balade de santé et comme aucune préoccupation, aucune angoisse ne l’atteignait, son passager n’était pas non plus accablé par le stress de la situation. C’était comme si Jun avait tout sous contrôle.
▬ Mille précautions pour ta cheville ou à l’arrache sous l’empressement ? Mais je suppose que la morsure n’était rien en comparaison de tes parents quand ils ont su que tu avais été mordu. La colère causée par l’inquiétude a du être terrible. Tu as dû arrêter les expéditions ou tu n’écoutais qu’à moitié et jouer les petites rebelles ? Jun octroyait un léger regard au chocolatier avec un sourire comme s’il connaissait déjà la réponse. Besoin d’adrénaline pour se sentir libre et non enchaîné par la vie ? Je ne pense pas qu’il s’agisse que d’un besoin de t’en procurer par plaisir. Il y a cette flamme de l’interdit qui brille en toi, mais elle est comparable à celle d’un briquet. On la contrôle, elle s’éteint et se rallume et on peut la toucher sans se faire de mal.
Le détective privé braquait soudainement le volant, causant à la voiture de se déporter entièrement sur le côté et il appuyait de nouveau sur le champignon. Devant eux, une bute se dressait et Jun n’hésitait pas à continuer à la même allure causant à son véhicule à se surélever du sol lorsque le but avait été dépassé. Leurs ceintures de sécurités les empêchaient de se soulever du siège, mais la sensation de lourdeur les écrasait soudainement au retombé de la bagnole contre le chemin de terre. La poussière de terre volait autour d’eux comme un nuage qui les consumaient et ce n’est qu’à ce moment précis que le militaire reprit une allure plus correcte, moins rapide, mais clairement plus vite que la normale autorisée.
C’était aussi à cet instant que Jun était retourné dans le silence pour laisser briller son acolyte de ses histoires et ses réponses. Ses pupilles abyssales étaient sur la route, mais malgré cela toute son attention était toujours pleinement concentrée sur Wo Ju, car même s’il ne le regardait pas directement, c’était comme s’il lui faisait passer le message par des réactions physiques plutôt que verbale. Toujours à l’écoute, toujours réactif au moindre changement, Jun observait du coin de l’œil chaque mouvement esquissés par le chocolatier, mais ne rétorquait rien.
Il ne savait pas ce qu’il attendait de cette escapade avec le meilleur ami de son homme, en ces temps d’anniversaires passées où l’ambiance morose de leurs vies respectives les avaient rattrapés. Peut-être que ce bol d’air frais les aiderait tous deux ? Jun n’en aucune idée et n’avait que peu d’espoir pour lui-même, mais dans tous les cas, il serait fort présent pour cette flamme jumelle qui faisait désormais, partie de sa vie entièrement. Pour toujours ou pour un temps, seul le destin en connaissait la réponse. Mais après tout, les twin flames étaient capable de tout alors, pourquoi pas de défier le destin lui-même ?
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