Simmons Karui + Lightning

Karui est né à Londres, dans une famille qui aurait pu être parfaite si on fermait les yeux sur leurs défauts. Un père sévère et strict qui ne laissait rien passer, une mère calme et douce qui laissait trop couler, une frère beau et brillant qui prenait toute la lumière. Depuis tout petit, Karui a été discret, silencieux, calme. Il tenait tout de sa mère, son côté effacé déteignant sur lui comme de l'encre sur un papier buvard, tandis que son aîné était plein d'énergie et courait dans tous les sens. Ils passaient beaucoup de temps ensemble, deux petits garçons qui aimaient jouer ensemble et dont l'aîné veillait sur le cadet. La vie était tranquille en Angleterre. Leurs parents leur apprenaient l'estlandais à cause de leurs origines et Karui était souvent adoré par ses camarades qui voulaient savoir comment on disait tel ou tel mot en eastlandais. Ses instituteurs aussi appréciaient ce petit garçon posé et équilibré, souriant et calme.

Souvent, l'enfant rêvait de voyages extraordinaires, de visiter des contrées éloignées et de vivre à Eastland où il allait parfois rendre visite à sa famille. Il aimait beaucoup l'île, son climat, ses paysages, la mentalité des gens. Ca serait cool d'y vivre, non ? Et pourtant, au fil des années, il changea d'avis. Il avait tous ses amis à Londres, sa vie, son quotidien, ses habitudes. Il aimait prendre le thé tous les jours après l'école, il aimait les bus rouges et les cabines téléphoniques caractéristiques de la ville, il aimait même la pluie et le brouillard d'hiver, la neige, le froid, tout. Parce que sa vie était là. Mais un jour, quand il avait treize ans, la famille dû partir pour le travail de son père, déménager. Pas changer de quartier, non, de pays. Prendre l'avion jusqu'à Eastland et ne jamais revenir. Aller simple. Karui ne voulait pas et le fit bien savoir à ses parents, râlant, se réfugiant dans un mutisme inédit et plongeant dans ce qui serait la première dépression de sa courte vie.

Pour le consoler, les parents de Karui lui ont offert un lapin, boule de poils blancs dont le jeune garçon s'est rapidement entiché. Il aimait le prendre dans ses mains et frotter son nez contre son museau, caresser ses longues oreilles et le regarder ronger les légumes qu'il lui donnait. Il adorait son Panpan, et il avait quinze ans quand on le lui a fait manger à la sauce aigre-douce avec des légumes cuits à la vapeur - ceux qu'il aimait tant - et une boule de riz. Quand il s'en est rendu compte, Karui a été tellement triste qu'il n'a plus parlé pendant une semaine et a décidé de devenir végétarien, de devenir vétérinaire. Il soignerait les animaux pour compenser, parce qu'il préférait parler à un chien qu'à un humain, parce qu'il avait plus facile de communiquer avec eux, parce qu'il ne devait pas sans cesse se demander pourquoi ou comment agir. Il savait, tout simplement.

À l'école, il se faisait quelques amis attirés par son exotisme anglais et sa discrétion surprenante. Assimilant rapidement les cours, il s'est vite retrouvé en tête de sa classe mais les problèmes s'accompagnant du statut d'intello lui ont fait faire chuter sa moyenne en un semestre. Il n'aimait pas que les profs l'envoient au tableau pour expliquer aux autres, n'aimait pas les félicitations quand ils recevaient leurs points, n'aimait pas les regards de sa "concurrente" auto-proclamée, n'aimait pas que ses amis lui demandent toujours pour copier sur lui. Son père n'était pas du tout content de cette chute, aussi Karui trouva un équilibre pour devenir le deuxième, faisant quelques erreurs exprès tout en maintenant une moyenne assez élevée afin que tout le monde soit heureux sans que personne ne se doute de rien.

Quand il entra à Wonderland, Will décida de prendre un appartement pour lui et son frère. Sans hésiter, Karui avait fait ses valises et était parti avec lui dans le quartier Nord, à l'opposé de ses parents, de son père carnivore et de sa mère trop laxiste. Avec Will, tout était plus simple tout en étant plus compliqué. Il fallait décider qui faisait les courses, le ménage, la cuisine. Il fallait grandir. Karui se révéla bon cuisinier, improvisant des recettes qui s'avéraient délicieuses et mijotant des petits plats qu'ils dégustaient avec appétit, ajoutant parfois de la viande à côté pour son frère, acceptant qu'il en mange même si lui jurait de ne jamais y toucher de son plein gré. Il reprit un lapin aussi, un blanc comme Panpan qu'il appela Late, nouvelle référence à sa passion pour Disney et les dessins animés américains. Tout était plus beau, et Karui prenait petit à petit confiance en lui.

Un jour, il osa demander à une fille de sortir avec lui. Il tremblait, avait les mains moites et le coeur qui courait un marathon dans sa poitrine, mais il l'avait fait. Et elle avait dit oui. Elle était belle, elle était gentille, elle était intelligente. Il en était tombé amoureux au premier instant et avait attendu un mois avant de lui dire bonjour, un an avant de lui demander de sortir avec lui. Leur relation dura cinq mois, jusqu'il y a très peu. Jusqu'à ce qu'elle le plaque sans lui donner d'explications. Trop silencieux peut-être, pas assez décideur, pas assez "homme" pour la fille capricieuse qu'elle était. Elle lui avait souvent reproché de ne pas prendre assez d'initiatives, mais c'était dans sa nature de laisser les autres décider et, après vingt ans à s'effacer, il était compliqué de changer du tout au tout. Mais cette fois, il ne voulait pas abandonner, parce qu'il l'aimait et parce qu'il voulait comprendre. Mais le pauvre ne savait pas qu'elle s'était juste trouvé un nouveau copain...