Enfin. Le grand jour était enfin arrivé, celui où Moya allait revoir son frère, où il allait entrer dans ce nightclub pour le voir lui et non pour faire du repérage ou sauver des damoiselles en détresse. Enfin il allait pouvoir ramener Zero sur le bon chemin, le serrer dans ses bras, s'expliquer avec lui. Se faire pardonner. Le pardonner. Il était optimiste, il savait que son frère l'avait toujours pris pour modèle avant qu'il ne parte pour la Chine. Qu'en serait-il maintenant ? Certainement la même chose, non ? Il lui en voudrait certainement un peu de cette longue absence, mais Moya aussi avait des motifs pour lui en vouloir. Parce que, sérieusement, la mafia ?
Garant sa voiture dans un parking au bout de la rue, le banquier s'avança vers le Redgrove, son pantalon noir contrastant avec sa chemise blanche impeccable. La dernière fois qu'il était venu, il avait trouvé Kaori complètement ivre et l'avait ramenée chez lui pour qu'elle cuve son alcool en sécurité. Se rappelant cette soirée, la main de Moya monta instinctivement à ses lèvres, souvenir du baiser qu'elle lui avait offert... avant de faire comme si de rien n'était. Rappel de cette nuit qu'elle avait passée collée contre lui sans qu'il ne se passe rien. Parce qu'elle était ivre et qu'il était bien élevé. Il en avait eu envie, avait désespérément voulu l'embrasser, la caresser, mais il s'était contenté de la tenir contre lui pour la réchauffer et de fixer le plafond pendant tout le temps que dura le sommeil de la jeune femme.
Arrivé devant la porte, Moya secoua la tête pour ne plus penser à ces heures passées. Il devait resté concentré sur son objectif : sortir son frère de là. Poussant la porte, il lança un premier regard alentour, au cas où son petit oiseau serait revenu, mais il ne repéra Kaori nulle part et en fut soulagé. La savoir ici avec tous les trafics qui avaient lieu dans l'arrière-salle lui aurait de nouveau donné la nausée. Passant un regard désapprobateur sur les femmes dénudées qui dansaient autour d'une barre, il ignora le serveur qui passait à côté de lui et se dirigea vers le gars qui décidait qui entrait ou non dans la partie illégale de la salle. Déposant une liasse de billets dans ses mains, il lui adressa un regard froid et déterminé.
Je suis sur la liste, ce soir. Tu as l'autorisation pour venir me chercher dans cinq minutes si je suis pas sorti et tu seras vu en héro par ton... patron.
Tandis que l'autre vérifiait que les billets étaient authentiques, Moya se faufila dans la salle où il trouverait son frère. Ici, l'ambiance était différente, plus lourde, plus chaude. Plus répugnante. Il repéra rapidement la silhouette de son frère, musclé, large d'épaules. Le souffle coupé par ces retrouvailles, il réalisa seulement maintenant à quel point son petit frère lui avait manqué. Dix ans... c'était long et court tout à la fois. Prenant une grande inspiration, il s'avança vers l'autre qui lui tournait le dos et l'attrapa par l'épaule pour le forcer à se retourner.
Zero...
Le visage de son frère avait changé en tant d'années, et pourtant il était identique à celui qu'il était adolescent. La nostalgie s'emparant de Moya, il du se retenir de le serrer dans ses bras comme il le faisait jadis, heureux et contrarié en même temps. Parce que son frère était un mafieux.
Je te ramène à la maison, viens, on parlera là-bas.
Glissant ses doigts autour de son poignet - seule zone de son bras assez fine pour qu'il en fasse le tour - Moya tenta de le tirer dehors avec lui, mais il avait sous-estimé la force et la détermination de son cadet qui, clairement, ne voulait pas sortir.
Le Redgrove, endroit qui était devenu la deuxième maison de Zero. La soirée venait à peine de commencer, les clients commençaient tout juste à prendre place. Il veillait toujours à ce qu'aucun débordement ne gêne les affaires de son clan. Il n'était pas l'agent de sécurité, il était un homme de main. Celui qui avait un brillant avenir dans le domaine de la pègre, celui qui durant dix années avait montré sa fidélité et sa bonne volonté. Il avait tellement fait de mission que toutes les énumérer prendrait trop longtemps. Il était assit sur un tabouret près du bar, discutant comme à son habitude avec le barman, prenant de quoi s'occuper, de temps en temps il regardait la piste pour voir si toutes les danseuses ce donnait à fond. Zieutant le corps ondulant de la "favorite" il souriait en hochant la tête. Arisa faisait du bon boulot en ce moment, d'ailleurs le nombre de client avait véritablement augmenter depuis quelques temps, tant mieux elle ramenait l'argent à la maison. Il commandait alors un grand verre d'eau, pas très original mais il était là pour bosser et surtout pour surveiller les quelques clients qui voulait de la drogue, attendant un quelconque sms de Sky lui disant que sa dernière invention était prête. Une soirée tout à fait normal, Zero avait toujours sur lui un couteau suisse, pas de revolver c'était beaucoup trop voyant et surtout il ne savait jamais si un client allait déraper, il y avait des rooms, plus précisément des redrooms. Ce club était spacieux autant dans la partie légale que celle qui n'était pas déclarée... Les redrooms, endroit privatisé par les plus généreux, endroit tranquille où ce retrouvaient les clients qui voulaient sniffer des rails de coke ou simplement ce taper une des filles. Endroit plutôt cosy même si dans le fond c'était juste des salons privés pour s'en mettre plein la tête avec une bonne compagnie.Parfois certains hommes d'affaires aussi corrompu privatisaient les salons pour des réunions, mais qui serait assez tordu pour aimer cette ambiance spéciale. Zero aimait bien tout ça, pas parce que c'était un pervers détraqué même si il ne l'était pas, ni même un drogué, il aimait cet endroit parce que c'était sa maison son chez lui.
Pourtant jamais il n'aurait douté qu'une personne de son passé refasse surface et encore moins ici chez lui. Il n'était pas prêt, pas prêt à revoir la personne qui autrefois était son héro, son exemple. Il ne comprit pas tout de suite ce qui ce passait, ce retrouvant tiré en arrière, par réflexe il s'était redressé, tournant la tête et nez à nez avec son frère. Mais... que faisait t'il ici ? Zero ne comprenait pas vraiment ce qui ce passait.. Un peu sous le choc il laissait alors son aîné l'entraîner un peu à l'écart. Sur son visage c'était l'incompréhension, faisant un geste à son collègue pour lui faire comprendre qu'il irait dehors le temps de comprendre ce qui ce passe, puis surtout ne pas s'afficher devant les clients, ça allait faire mauvais genre et puis il ne voulait pas encore plus ternir la réputation de la deuxième partie du club, il faisait un geste brusque pour que son frère le lâche. La colère montant en lui maintenant qu'il comprenait ce qu'il ce passe. " Suis moi, ne fait pas de vague devant mes clients tu serais gentil. " Il avait un ton froid et distant, son regard était remplit d'une flamme qui le rongeait de l'intérieur, un feu qui brûlait, il en avait tellement voulu à son frère... Pourquoi l'avoir laissé dans la merde, mais ce n'était pas le moment de s'emporter il avait une réputation à tenir. Zero l'homme au coeur de pierre et main d'acier. Zero indiquait la porte de derrière qui menait à une petite cours, un cendrier était posé négligemment sur une vieille table décrépi, sans doute l'endroit où les danseuses prenaient leurs pauses clopes ainsi que les membres du clan. " Je suis déjà à la maison." Allumant sa cigarette, il fixait la cendre ce consumer, histoire de calmer ses nerfs, pour surtout éviter de lui en coller une trop tôt... " Sacré surprise, quel bon vent t'amène ici ? Et puis comment tu m'as retrouvé ? " Commençons d'abords par prendre des nouvelles, après il faudra l'explication.
L'incompréhension qui s'était affichée sur les traits de son cadet laissa vite place à une froideur à laquelle Moya ne s'était pas attendue. Il était évident qu'il n'espérait pas une accolade chaleureuse et des grands sourires heureux, mais tout de même... Enfin, après dix ans d'absence et presque pas de messages ou de coups de fils, il n'avait certainement que ce qu'il méritait. Hochant la tête, ayant lâché le bras de Zero, l'aîné le suivit dans la cour derrière le club, espérant pouvoir le raisonner et le sortir de là.
Avec une mine réprobatrice, Moya regarda son frère allumer une cigarette, croisant les bras en l'écoutant entamer la conversation. Comment il l'avait trouvé ? Grâce à ses contacts, grâce à leur père, grâce aux gens qui parlaient quand on leur filait quelques billets. Claquant sa langue avec désapprobation, il arracha la clope des doigts de Zero pour l'écraser dans le cendriers, se fichant pas mal de sa réaction. C'était mauvais pour la santé et il ne voulait pas que son frère se pourrisse les poumons avec ces crasses.
Père m'a dit que tu étais dans la mafia donc je suis revenu de Chine pour toi. Après, pour te trouver, ça n'a pas été compliqué, il a suffit de me faire des contacts et de montrer ta photo.
Bien entendu, ce que son père lui avait dit sur Zero n'était pas à cent pourcent vrai, mais Moya n'avait aucun moyen de démêler les faits des mensonges. De ce qu'il avait entendu, son frère était un drogué, un assassin, un mafieux dangereux qui refourguait de l'argent sale à leur mère et qui faisait peur à leur père à cause de ses activités. Il lui avait dit tout cela quelques semaines avant son retour, après dix années à lui mentir, à lui faire croire que tout allait bien et que Zero suivait le bon chemin. Moya ne lui en voulait qu'à moitié, sachant qu'il avait fait tout cela pour ne pas l'inquiéter, même s'il aurait aimé savoir dès le départ.
Qu'est-ce que tu fais là, frangin ? Pourquoi tu ne m'as pas demandé de l'aide ? Père me disait toujours que tu allais bien et qu'il valait mieux que je ne te contacte pas parce que tu devais te concentrer sur tes études. Si j'avais su que tu étais ici tout ce temps...
Secouant la tête avec dépit, Moya commença à faire les cents pas dans la cour. S'il avait su, il serait revenu pour lui, pour le remettre sur le bon chemin, pour l'aider. Jamais il n'aurait admis que son frère soit un mafieux, un assassin, s'il avait été là, il l'aurait empêché.
Rentre avec moi, arrête tout ça. Je t'aiderai à trouver un job correct, quelque chose de légal... Je suis rentré, Zero, tu n'as plus besoin de faire... ça.
D'un geste de la main, il désigna le bâtiment derrière lui tout en dévisageant son frère. Il ne savait pas exactement en quoi consistait son job, si vraiment il tuait des gens pour le compte de quelqu'un, mais quoi qu'il fasse, ce n'était pas légal, Moya en était persuadé. Avec son aide, il pourrait le faire engager n'importe où, dans sa banque si il voulait ou n'importe où d'autre. N'importe où sauf ici.
Accueil
