Sunada Yuki + Teengirl

De la neige. D'après sa mère, il avait neigé le jour de sa naissance, des montagnes blanches s'étant formées sur les routes, bloquant les voitures, bloquant tout le monde chez lui. Des tempêtes comme on n'en avait plus aujourd'hui, fichu réchauffement climatique. Quoique, si ça avait déjà été le cas à l'époque, peut-être serait-elle née dans des meilleures conditions ? Parce que madame Sunada n'avait pas pu se rendre à l'hopital pour accoucher, obligée d'écouter son obstétricien au téléphone avec papa pour assistant et grand frère qui allait chercher les serviettes et l'eau en mode panique. Une grande aventure pour la venue au monde de la petite Yuki. Elle est restée quatre ans à Londres, quatre années à connaître les saisons, le froid de l'hiver, les chutes de feuilles en automne. Elle ne possède pas beaucoup de souvenirs de cette époque, se rappelle juste qu'elle voulait toujours de la neige pour son anniversaire en n'en avait plus jamais obtenu comme présent. Elle tombait avant ou après, mais jamais le jour même. Et ce ne fut pas à Eastland qu'elle pouvait espérer en avoir, ce climat tropical ne connaissant pas les blancs flocons qui tombaient sur ses routes toujours tièdes.

La petite avait donc quatre ans en arrivant sur l'île, un âge idéal. Pas d'amis à quitter, pas d'adieux déchirants. Elle ne s'était même pas rendue compte de la situation, contente de faire des cartons, de prendre un avion jusqu'en Chine puis un bateau jusqu'à Eastland. Elle ne su jamais pourquoi ils étaient partis, la véritable raison de ce déménagement soudain. Son frère avait été séquestré pendant une semaine, battu et violé par un homme plus âgé. À Yuki, on avait dit qu'il était parti passer la semaine chez leurs grands-parents et elle avait boudé. Elle avait osé oui, parce que elle aussi voulait les gâteaux de mamie et les histoires de guerre de papy. Mais comment aurait-elle pu savoir ? Suite à cela, ses parents devinrent surprotecteur avec elle, ne la laissant jamais sortir sans surveillance, lui interdisant même d'aller chercher le courrier. Les enfants eurent une nounou qui les gardait dès que les parents s'absentaient, même pour une demi-heure. Sa relation avec Josuke avait changé, le comportement de l'aîné avait changé. Il ne supportait plus qu'elle lui fasse de câlins, avait des moments d'absence et devait assister à des "rendez-vous" chaque semaine, sans que personne ne dise à Yuki qu'il allait voir un psy.

Les années passant, les choses se calmèrent avec Jo, même si ce derneir restait maniaque et distant. Il acceptait de nouveau les étreintes de sa soeur, s'inquiétant sans cesse pour elle sans qu'elle y voie de raison. Pourquoi ne pouvait-elle pas porter cette jolie robe ? Pourquoi lui essuyait-il toujours le rouge qu'elle appliquait sur ses lèvres ? Pourquoi insistait-il pour l'accompagner quand elle sortait au cinéma avec ses copines ? Ses parents aussi se montraient très sévères avec elle, l'empêchant parfois de sortir, l'empêchant de rentrer tard ou d'aller à des soirées avec des garçons. Yuki trouvait ça injuste, elle ne comprenait pas, n'avait rien fait pour mériter d'être ainsi punie. Les garçons ne l'invitaient jamais, alors quand, un jour, un gars mignon lui avait proposé de prendre une glace avec elle et que ses parents avaient refusé, elle avait explosé. Jamais elle ne s'était énervée ainsi, hurlant sur ses parents qui l'emprisonnaient et lui interdisaient de vivre. Elle sentait qu'ils lui cachaient quelque chose, mais quoi ? Jamais ils ne lui dirent et jamais ils ne lui diraient.

Un physique ingrat. C'était ce qu'on disait d'elle à l'école, avec son appareil dentaire qu'elle garda pendant tout le temps du collège, avec ses cheveux frisés qui lui donnaient des allures de sorcière. Quelques kilos en trop, un goût de la mode douteux, des lunettes de deux centimètres d'épaisseur, et personne ne voulait d'elle. Elle avait quelques copines, des filles à l'allure aussi vilaine que la sienne, une qui avait le nez trop long, l'autre qui louchait. Et pourtant Yuki avait un rêve : que ce garçon de deux ans plus âgé la remarque, qu'il pose les yeux sur elle et l'aime, qu'il soit son prince charmant. Mais qui pourrait aimer une fille aussi laide ? Yuki commença par faire régime pendant sa troisième année, perdant une quinzaine de kilos avant son entrée au lycée, première étape de sa transformation. Son objectif : conquérir le coeur de Sojun, mec populaire qui entrerait en terminale l'année suivante. Et on pouvait dire qu'elle était déterminée...

Pendant les deux mois de vacances d'hiver, Yuki avait fait la totale : troquer ses lunettes contre des lentilles, passer des heures chez le coiffeur pour lisser ses cheveux de façon permanente, passer des journées entières dans les magasins de fringues pour changer de look. Si avant ça porter des boucles d'oreilles en forme de radis et des robes arc-en-ciel ne la dérangeait pas, à présent elle voulait être élégante et chic. Des bijoux en argent discrets, des robes sobres, des vêtements moins tape-à-l'oeil, des chaussures moins bigarrées. Elle avait appris à se maquiller aussi, achetant des fards et des rouges à lèvres sous les conseils d'une maquilleuse qui avait pris le temps de voir ce qui lui allait au teint ou non. Pendant ces deux mois, elle coupa tout contact avec les gens de Neverland, ne voulant pas qu'ils la voient au milieu de sa métamorphose, voulant faire un effet spectaculaire à la rentrée. En même temps, elle entrait au lycée, c'était l'âge idéal pour devenir jolie, n'est-ce pas ?

Le fameux jour J, elle avait fait la totale : une mini-jupe noire en cuir, un body blanc en dentelle, une veste noire et des bottines noires à talons. Ses cheveux étaient restés lâchés, ses lèvres peintes en rouge et ses yeux, enfin libérés de ses lunettes, étaient surmontés de marron. Des bagues discrètes, un bracelet fin, des boucles d'oreilles en forme de fleur. La seule chose qui n'avait pas changé était son sac à dos rose pailleté, seul moyen de reconnaître cette Cendrillon enfin transformée. Et ça n'avait pas loupé ; le jour même, Sojun venait la voir pour lui proposer d'aller manger une pizza avec lui le weekend suivant. Mais Yuki voulait se faire désirer, ce serait trop facile si elle disait directement oui. Elle l'avait fait mijoter quelques jours, lui avait filé son numéro sans pour autant répondre à ses textos. Et puis quand elle senti qu'il allait abandonner, elle accepta. Tant pis si Josuke n'appréciait pas qu'elle sorte avec un garçon, elle était grande maintenant et... elle était amoureuse. Qui pourrait empêcher une ado amoureuse d'être avec celui qu'elle aimait ?