ootd ❖ En créant Unruly Flavor, ses propriétaires n'avaient pas pour unique projet d'associer restauration et chocolaterie atypique en un seul et même commerce. Le but était effectivement de proposer à leur clientèle des recettes tournant autour de saveurs chocolatières particulières, originales et surprenantes. Là était leur raison d'être première et prioritaire. Cependant, ils en avaient également une seconde à titre purement bénévole : aider les artistes indépendants ou qui avaient des difficultés à trouver une agence de lancement à se faire connaître. Bien des groupes musicaux et bien des solistes sont connus dans le monde, en nationale ou en internationale, mais bien davantage encore sont inconnus du grand public. C'est dommage car s'ils sont méconnus, cela ne signifie pas qu'ils manquent de talent. De même, si certains artistes sont connus, cela ne signifie pas qu'ils sont talentueux. Ainsi Unruly Flavor souhaite aider ceux qui cherchent à élever leur notoriété. Une main tendue de plus ne pouvait qu'avoir ses avantages. Une nouvelle épaule sur laquelle se reposer un petit peu est une solidité de plus sur le tremplin que l'on s'est créé dans le but d'atteindre durablement la lumière des projecteurs.
Filer un coup de main à ces artistes demandait des ressources et des moyens. Wu Jo et ses collègues apportaient chacun leur touche à cet objectif et leurs clients les plus amoureux de musique ne manquaient pas de participer à leur tour activement. Tout avait démarré par le bouche-à-oreille, les prospectus laissés aux bons soins de studios où musiciens et chanteurs prenaient des cours pour améliorer leurs “acquis” ou “non-acquis” artistiques : voix, guitare, batterie, piano, violon, flûte, saxophone, etc.... Les personnes intéressées prenaient contact avec U.F. et ces derniers les rappelaient ou leur envoyaient un mail pour planifier un rendez-vous en dehors de leurs horaires de travail. S’ensuivait un entretien qui pouvait aussi bien se dérouler au cours d’une promenade zen dans un parc ou autour d’une bonne pizza italienne à la terrasse d’un restaurant spécialisé. Dans ce dernier cas, c’est U.F. qui offre, évidemment. Les artistes choisissaient soit de leur montrer leurs talents en direct, soit par vidéos de précédentes performances enregistrées sur leur téléphone ou sur leur tablette. Là se décidait si oui ou non l’artiste en question aurait l’opportunité de se produire sur la scène d’Unruly Flavor. Dans le cas d’un oui, la suite du programme se mettait en place.
Il fallait créer des affiches et des flyers pour annoncer la tenue d'une soirée-concert. L'un des collègues de Wu Jo était doué en manipulation graphique pour faire des montages, placer des typo, des effets, des filtres, etc... pour rendre la publicité plus attrayante. Mais pour ce qui était de prendre des photographies, il était préférable de faire appel à un expert. Soit ils payaient un professionnel soit ils demandaient l'aide charitable d'un ami. En l'occurence, en ce jour de Mai, Jo avait personnellement appelé un des contacts qu'il s'était fait en emménageant à Eastland : Lee Bae. Ce gars-là c'était un type cool avec qui Jo s'entendait très bien. Tous deux avaient de l'énergie à revendre et le chocolatier se marrait bien avec le photographe quand ils avaient le temps de se voir. Deux mecs serviables, volontaires et sociables, ne pouvaient-ils pas que s'entendre après-tout ? Pour l'occasion du jour, Wu Jo avait donné rendez-vous à Bae sur la plage où les attendaient quelques membres de l'équipe d'Unruly Flavor ; co-proprio et employés confondus + un ou deux clients fidèles de la maison qui avaient tenu à venir jouer les spectateurs. En tout, cependant, toute la bande réunie ne se comptait que sur les doigts des deux mains.
Ce nombre incluait : Sömnia. L'artiste indépendante à promouvoir. Évidemment, Sömnia était un nom de scène, basé sur son véritable prénom : Sonia. Cette jeune femme occidentale de 25 ans s'était produite à plus d'une reprise à Unruly Flavor et sortait un nouvel album ce mois-ci. Son style mêlait le rap et le chant mystique, elle était très appréciée pour sa maîtrise du mystère dans les profondes émotions qu'elle faisait passer autant dans ses paroles que dans sa voix. L'équipe d'U.F. l'adorait et la respectait. C'était un plaisir de travailler avec elle et ses deux éternelles, interminables, tresses africaines m-brunes mi-blondes impeccablement nattées jusqu'à la hauteur de ses reins. Sa marque de fabrique, comme qui dirait. Elle avait beaucoup de charisme et une aura particulière. Une personnalité ouverte, intelligente et souriante qui incitait à la convivialité. Pour son photoshooting, elle portait une veste en cuir noir, un t-shirt de style grunge, un long jean et des bottines aux tons un peu plus foncés que le sable foulé par les semelles de ce petit rassemblement de solidarité. En cas d'utilité, la demoiselle avait apporté d'autres tenues de sa garde-robe si jamais il lui était demandé de changer de vêtements mais cet aspect-là serait laissé aux exigences du photographe.
Actuellement, tout le monde était occupé à mettre le matériel en place. L'équipe avait réussi à dénicher un très beau et agréable coin de plage où personne ne devrait les déranger dans leurs préparatifs. Pas pour l'heure à venir, espéraient-ils. L'humeur et l'ambiance étaient bonnes. Quelques rires et conversations s'entendaient ici et là tandis que chacun accomplissait sa tâche de bon cœur. Le seul ennui, c'était qu'il y avait un peu de vent qui leur donnait du fil à retordre... Le terrain ne devait pas être assez couvert par les gros rochers environnants pour les abriter de ces "soufflades". Au moins, il n'était pas assez fort pour emporter une casquette ou une paire de lunettes de soleil mais cela ne durerait peut-être pas et il y avait tout de même quelques grains de sable qui volaient. Inquiet pour les appareils technologiques et sensibles mais aussi pour la séance photo à venir, Wu Jo abandonna son petit groupe d'installateurs et se dirigea vers Bae, le photographe attitré du jour, pieds nus sur la nappe sableuse irrégulière :
- Le vent commence à souffler un peu on dirait. Ça ira, à ton avis, ou tu penses qu'on devrait bouger pour essayer de trouver une zone un peu mieux abritée ? Nous devrions peut-être envoyer quelqu'un en éclaireur, voire s'il ne trouve pas un meilleur endroit où déballer tout le matériel. Qu'en penses-tu, photographe en chef ? lance-t-il sur son ton chaleureux indissociable. Observant son confrère avec curiosité et lueur d'inquiétude, dans l'attente de sa réponse de pro.
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